Cette année voit la fin du régime dérogatoire de l’instruction en famille, qui concerne 35.000 enfants, soit 70% environ des enfants en 2023-2024. Perspectives et rappel des faits.

En appliquant à ces enfants le taux de refus national des nouvelles demandes d’autorisation pour 2023-2024, qui est de 39,3%, cela représente potentiellement 14.000 refus à ces familles pour la rentrée de septembre 2024, alors qu’elles font l’école à la maison depuis de longues années.

A ce jour, depuis la promulgation de la loi pour le respect des principes de la République en 2021, plus de 11.000 enfants ont été privés du droit humain inaliénable de recevoir leur instruction de leurs parents, premiers et principaux éducateurs, ce qui a également donné lieu à plus de 500 recours devant les tribunaux du pays. Avec une jurisprudence du Conseil d’Etat très défavorable au droit des parents. De nombreux refus arbitraires et discriminatoires, selon les académies, sont ainsi à déplorer, y compris pour handicap, harcèlement, activités sportives ou artistiques intensives, éloignement géographique, itinérance.

Une bataille judiciaire qui est loin d’être terminée, avec une jurisprudence qui s’étendra bien évidemment jusqu’à la Cour européennes des Droits de l’Homme. C’est donc l’occasion de rappeler, à cet effet, les nombreuses entorses aux droits fondamentaux de cette nouvelle loi qui a placé l’école à la maison sous régime d’autorisation.

1. Une entorse aux droits fondamentaux garantis par les conventions internationales

Le nouveau régime d’autorisation de l’instruction en famille reste une entorse aux droits fondamentaux, comme l’avaient affirmé la Commission nationale consultative des Droits de l’Homme en son avis du 4 février 2021 et la Défenseur des Droits en son avis du 12 janvier 2021. De nombreuses conventions internationales garantissent ainsi ce droit humain inaliénable des parents :

– la Déclaration Universelle des Droits de l’Homme en son article 26,3 : « Les parents ont le droit de choisir le genre d’éducation à donner à leurs enfants. »
– la Convention Européenne des Droits de l’Homme en son article 9
– le protocole n°1 de la Convention de sauvegarde des Droits de l’Homme et des Libertés Fondamentales en son article 2 : « Nul ne peut se voir refuser le droit à l’instruction. L’Etat, dans l’exercice des fonctions qu’il assumera dans le domaine de l’Èducation et de l’enseignement, respectera le droit des parents d’assurer cette éducation et cet enseignement conformément à leurs convictions religieuses et philosophiques. »

– la Convention internationale des droits de l’enfant en son article 12-1
– la Charte des droits fondamentaux de l’Union Européenne en son article 14-3 : « le droit des parents d’assurer l’éducation et l’enseignement de leurs enfants conformément à leurs convictions religieuses, philosophiques et pédagogiques, sont respectés selon les lois nationales qui en régissent l’exercice. »
– le Pacte des droits sociaux, économiques et culturels de l’ONU, que la France a ratifié, et qui stipule en son article 15.3 que les parents ont le droit de choisir une alternative aux écoles de l’Etat.

Sur ce dernier point, en octobre dernier et à la suite de nos interventions jointes à celles de l’association Félicia, l’ONU a épinglé la France.

2. Un premier avis négatif du Conseil d’Etat sur la constitutionnalité de la mesure

Rappelons aussi que le premier avis du Conseil d’Etat sur la mise au pas de l’instruction en famille par régime d’autorisation concluait au plus haut degré des motifs d’inconstitutionnalité que peut donner la plus haute juridiction du pays, et qu’on appelle la disjonction de constitutionnalité. Elle repose sur deux critères : que la mesure soit à la fois injustifiée et disproportionnée, ce qu’avait longuement justifié le Conseil d’Etat, avant que son jugement, dit rapport Bergeal, soit transformé en avis favorable, par un nouveau vote. Malheureusement, le premier avis avait été publié dans le Figaro.<

3. Une réserve d’interprétation du Conseil constitutionnel

Le Conseil constitutionnel a émis une réserve d’interprétation de la loi : « Il appartiendra au pouvoir réglementaire, sous le contrôle du juge, de déterminer les modalités de délivrance de l’autorisation d’instruction en famille conformément à ces critères [vérification de la « capacité d’instruire » de la personne en charge de l’enfant et « l’existence d’une situation propre à l’enfant motivant le projet éducatif »], et aux autorités administratives compétentes de fonder leur décision sur ces seuls critères, excluant toute discrimination de quelque nature que ce soit ». Le Conseil constitutionnel précisait : « lautorité administrative sassure que le projet dinstruction en famille comporte les éléments essentiels de lenseignement et de la pédagogie adaptés aux capacités et au rythme dapprentissage de lenfant ».

Or, il est à déplorer qu’en la matière, avec 44% des refus concentrés sur le seul motif pédagogique en 2023-2023, les académies n’en ont pas tenu compte dans leurs décisions de refus, malgré des dossiers  de demande d’autorisation très complets. Ajoutons que lorsqu’elles délivrent un refus a priori interdisant de commencer l’instruction en famille (40% des demandes sont refusées), les académies ne tiennent pas compte des 98% de succès des contrôles académiques, au niveau national.

Quant à eux, les juges administratifs rejettent à la chaîne les recours même lorsqu’un projet pédagogique personnalisé de qualité est déposé alors même qu’à travers le critère de l’intérêt propre à l’enfant, le législateur avait l’intention d’accorder l’instruction en famille à tous les parents déposant un projet pédagogique suffisamment personnalisé.

En s’arrogeant le droit de définir lui-même ce qu’il considère être l’intérêt supérieur de l’enfant, et, naturellement, de considérer que c’est presque toujours la scolarisation des enfants et même sa scolarisation dans l’école publique, l’Etat ne respecte plus ni l’autorité parentale, ni la liberté éducative des parents. Comme le suggère la proposition de loi Brisson d’avril dernier, il est essentiel, a minima d’accorder de plein droit l’autorisation aux enfants instruits en famille au cours de l’année scolaire précédente et pour lesquels les résultats du contrôle ont été jugés suffisants.

Si rien n’est fait pour endiguer la pente dangereuse dans laquelle nous sommes engagée, bientôt la liberté scolaire, elle-même, n’existera plus : parents, continuons à nous mobiliser !

Nous luttons pour une juste cause, celle de nos enfants, et tôt ou tard, nous finirons par l’emporter.

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