Le harcèlement scolaire, en France, concerne 700.000 enfants par an, selon l’UNESCO. Un véritable fléau auquel l’institution dit enfin s’atteler, par la voie de son ministre, en cette rentrée 2023-2024. Pourtant, l’Education nationale a fermé en 2021 la principale issue de secours.
Depuis que le ministre de l’Education nationale a annoncé faire du harcèlement une grande cause nationale, une affaire sordide a éclaté dans les Yvelines, à Poissy, où Nicolas, un jeune harcelé en classe, s’est suicidé le 5 septembre, alors que sa famille avait alerté l’école et l’académie. Mais, le rectorat, dirigé alors par une proche d’Emmanuel Macron (que le Président avait lui-même nommée à ce poste en changeant les règles de nomination), n’a pas tenu compte des alertes des parents, et pire encore, a adressée un courrier scandaleux aux parents du défunt adolescent, en réponse à l’un de leurs signalements. La lettre de l’académie, qui suscite une polémique d’ampleur, reprochait aux parents leurs pressions et leur colère quant au harcèlement scolaire « supposé » de leur fils ! « Il ont dû subir l’immobilisme des services de l’Éducation nationale face à leur détresse, écrit par exemple le Parisien, une situation insupportable, et malheureusement pas exceptionnelle. » Devant l’émoi suscité, le ministre Gabriel Attal a qualifié de « honte » cette réponse de l’institution. Il a convoqué hier, en urgence, l’ensemble des recteurs d’académie pour renforcer les consignes de lutte contre le harcèlement scolaire et exprimé la nécessité d’un « électrochoc à tous les niveaux ». « Mon rôle, votre rôle, n’est pas de protéger une Institution à tout prix, mais de protéger à tout prix nos élèves, nos enfants », a-t-il déclaré.
La principale issue de secours du harcèlement scolaire restera-t-elle fermée ?
On ne peut que se féliciter de ces annonces qui devront être suivies d’effet, mais quid de la principale issue de secours de secours que le ministère de l’Education nationale a délibérément fermée par la loi du 21 août 2021 ? En effet, jusqu’alors, il était possible à tout parent de retirer son enfant harcelé par un simple courrier déclarant choisir l’instruction en famille, le temps que l’enfant reprenne pied, selon le bon vouloir des parents. Mais depuis cette nouvelle loi, il faut désormais obtenir l’accord écrit du chef d’établissement, qui peut devenir juge et partie ou ne pas être libre de sa décision, surtout si les directives du rectorat vont contre le choix des parents, comme on vient de le voir dans l’affaire de Poissy. Pire, BFMTV révèle ce matin que des enquêtes sociales ont même été diligentées contre les parents qui se sont plaints que leurs enfants soient harcelés, une avocat spécialise de ce sujet déclarant : « systématiquement, la hiérarchie va défendre la position du chef d’établissement, c’est une façon de dire si l’enfant va mal, c’est que vous êtes des mauvais parents ». Selon la chaîne, l’association contre le harcèlement scolaire, La Voix de l’enfant affirme également avoir été menacée par l’administration scolaire de perdre son agrément pour avoir émis « trop de signalements » pour des faits de harcèlement !
Nicolas aurait bénéficié de l’école à la maison, il ne serait peut-être pas mort
De fait, si Nicolas avait bénéficié de l’instruction en famille, il ne serait peut-être pas mort. Par ailleurs, l’académie de Versailles est justement celle qui distribue en France le plus de refus d’autorisation d’instruire en famille, selon notre palmarès 2023-2024 des académies les plus restrictives, cumulant à elle seule plus de 15% des refus du niveau national !
A Liberté éducation, nous connaissons de nombreuses familles qui ont pu bénéficier de cette véritable issue de secours pour l’enfant, au moins pour finir l’année scolaire. Ainsi, en 2018, la petite Faustine*, harcelée en classe, a été retirée de l’école du jour au lendemain, après un séjour à l’hôpital, lequel avait menacé d’attaquer l’académie si elle n’agissait pas enfin. Dans sa classe, la maîtresse de Faustine avait même laissé une boîte à idées pour harceler la petite fille ! Et la direction de l’établissement s’était désintéressée du problème : aujourd’hui, ses parents devraient pourtant demander l’autorisation au chef d’établissement de la sortie de ce traquenard !
Nos enfants sont ainsi devenus les otages des établissements scolaires et sont obligés de supplier l’institution de pouvoir quitter l’école, même pour un temps donné, même pour simplement finir l’année. Faudra-t-il que les parents attaquent l’institution pour « non-assistance à personne en danger » ? Combien d’autres Nicolas faudra-t-il encore pour que l’Education nationale rende aux parents leur autorité parentale, surtout en ce qui concerne le bien de l’enfant et son intérêt supérieur ?
Les rectorats sous surveillance
Du reste, le ministre a annoncé que les rectorats allaient être évalués chaque année sur cette question : un audit sur la gestion des cas de harcèlement de septembre 2022 à septembre 2023 sera lancé dans chaque académie, et les conclusions attendues dans quatre semaines. De plus, les résultats de la lutte contre le harcèlement menée par les rectorats seront évalués chaque année et des moyens humains seront dégagés. Très bien, mais nous demandons que cet audit tienne également compte de l’instruction en famille. Sur le sujet, la constitution d’une commission d’enquête parlementaire a d’ailleurs été suggérée en juin dernier par la Commission des affaires culturelles et de l’éducation de l’Assemblée nationale, et des propositions ont été faites par notre association fin août à l’ONU, qui va interroger la France sur le non-respect par l’Etat de l’article 15 du Pacte international relatif aux droits sociaux et culturelles, qui stipulent que les parents doivent pouvoir bénéficier d’une alternative à l’école. En effet, toute société démocratique libre doit maintenir et protéger la liberté éducative des parents, qui restent les premiers et principaux éducateurs de leurs enfants.
Nous prenons donc le ministre au mot et nous réclamons que l’« électrochoc à tous les niveaux » ait lieu aussi pour l’instruction en famille, cette principale issue de secours que le ministère a délibérément fermée en août 2021 avec sa nouvelle loi ultra restrictive sur l’école à la maison par délivrance d’autorisation au compte-goutte, avec jusqu’à 90% de refus dans certaines académies, y compris, parfois, malgré un harcèlement, comme nous l’avons dénoncé lors de notre rendez-vous au ministère le 15 juin dernier.
(*) le prénom a été changé