Ce mardi 18 juillet 2023, Liberté éducation et deux autres associations nationales de l’instruction en famille (UNIE et LEDA) ont été auditionnées à l’Assemblée nationale par la Mission d’information sur l’instruction des enfants en situation de handicap. L’occasion de pointer du doigt les dérives de l’Education nationale au sujet des enfants qui demandent à être instruits en famille pour ce motif et qui essuient des refus arbitraires de l’administration.
La création de cette mission avait été décidée le 3 mai dernier par la Délégation aux droits des enfants, composée de 36 députés et chargée d’informer la représentation nationale sur toute question relative aux droits des enfants. Les députés-rapporteurs Servane Hughes et Alexandre Portier rédigeront un rapport qui « s’attachera à établir un bilan de la loi de 2005 » sur l’égalité des droits et des chances, la participation et la citoyenneté des personnes handicapées. Cette loi avait introduit pour la première fois, dans le code de l’action sociale et des familles, une définition du handicap inspirée de la classification internationale du handicap, avec quatre familles de handicap : moteur, sensoriel, cognitif, psychique. Enfin les rapporteurs s’appliqueront à « dresser un état des lieux de la scolarisation inclusive, ses difficultés et les améliorations à apporter ».
Des refus d’instruction en famille contre l’avis des médecins
L’année dernière, l’Education nationale avait opposé près de 1000 refus (992) aux familles ayant choisi l’état de santé ou le handicap de l’enfant pour lui faire l’école à la maison, soit 15% de refus pour 6329 demandes d’autorisation sur ce motif. Ainsi, pour un millier d’enfants, le médecin scolaire est allé à l’encontre de l’avis d’un autre médecin !
Exemples de refus d’instruction en famille malgré un handicap
Depuis le mois, Liberté éducation a été sollicitée par plus de 200 familles pour un refus injustifié. Or pour certains enfants, il s’agit bel et bien de handicap, parfois moteur, sensoriel, cognitif ou psychique.
Ainsi :
- Dans l’académie d’Amiens, refus d’autorisation de faire l’instruction en famille le 4 juillet dernier pour un garçon de 7 ans malgré reconnaissance de la maison départementale des personnes handicapées (MDPH).
- Dans l’académie de Toulouse, un refus d’autorisation le 4 juillet pour une fratrie de 3 enfants de 12,10 et bientôt 9 ans dont 2 sont reconnus MPDH.
- Toujours l’académie de Toulouse, refus le 15 mai pour un enfant souffrant de polyallergie. Sa maman explique : « notre fille réagit à des traces infimes d’allergènes qui sont difficilement contrôlables en milieu scolaire, ce qui lui entraîne de nombreux désagréments ». Refus du médecin de l’académie, mais finalement, bonne nouvelle, avec l’aide de notre association (plus demande de reconnaissance MDPH), l’académie a accepté.
- Dans l’académie de Lyon, refus pour une enfant de 3 ans dont la sœur aînée de 15 ans est reconnue MDPH, dépendante à plus de 80% avec soins au quotidien et soignants à domicile, au motif que le plein droit pour les 3 autres enfants instruits en famille ne crée pas de plein droit pour ce quatrième enfant.
- Toujours dans l’académie de Lyon, refus d’autorisation pour un enfant de 6 ans reconnu autiste et ayant besoin d’aménagements scolaires, en cours de reconnaissance MDPH avec refus de RAPO (recours administratif préalable obligatoire) le 2 juin dernier.
- Encore dans l’académie de Lyon, refus pour une enfant de 4 ans qui porte en permanence un corset rigide pour une scoliose sévère, au motif que la pathologie de ma fille n’empêchait pas une scolarisation à 100 % selon le médecin de l’Education nationale. Demande de reconnaissance MDPH en cours, sachant que le délai de traitement est de 6 mois en moyenne.
- Dans l’académie de Nantes, refus d’autorisation le 7 juin dernier pour un enfant de 9 ans reconnu dyspraxique, avec demande en cours de reconnaissance MDPH, au motif que « le trouble de l’apprentissage que vous déclarez n’empêche pas une scolarisation ».
- Dans l’académie de Marseille, refus d’autorisation en date du 27 juin pour un enfant diabétique, la maman raconte : « mon enfant diabétique de type 1, sous pompe à insuline, à l’école dès le départ nous avons rencontré des problèmes avec les professeurs, nous avons donc commencé à pratiquer l’école à la maison en accord avec le directeur de son établissement. Ensuite, nous y avons pris goût, et à ce jour je ne veux absolument plus que mon enfant retourne à l’école, et je voudrais continuer à l’instruire moi-même, mais nous avons ce refus ».
- Dans l’académie de Lille, refus pour phobie scolaire le 24 mai, malgré certificat du psychothérapeute et de la pédiatre. Demande MDPH en cours.
- Dans l’académie de Strasbourg, refus pour enfant souffrant d’asthme et d’hyperréactivité bronchique malgré trois certificats médicaux. Demande MDPH en cours, la maman témoigne : « J’ai l’impression qu’on vole mes droits et mon autorité parentale. En colère que des personnes extérieures pensent savoir mieux qu’une mère ce qui est bon pour son enfant. »
Pas d’inclusion pour le handicap dans l’instruction en famille
Lors de l’audition, Liberté éducation a donc constaté, ces exemples à l’appui, qu’il existe une véritable « zone grise » autour des enfants souffrant d’un handicap plus ou moins fort et plus ou moins reconnu. Des situations pour lesquelles les académies font souvent obstruction au droit fondamental des parents, premiers éducateurs de leurs enfants, de choisir un mode d’instruction permettant de tenir compte au quotidien de ces situations de handicap. Cette garantie de liberté d’éducation des enfants est pourtant, en règle générale et dans nombreux pays, un droit inaliénable des parents, reconnu notamment par les Déclarations internationales des droits humains. Des décisions arbitraires qui vont donc aussi contre le droit des enfants. Au final, c’est la santé physique et psychologique des enfants qui en pâtit, contre leur intérêt supérieur. Il est donc temps de revenir sur cette loi en laissant aux parents le soin de choisir ce qui est le mieux pour leur enfant, surtout en cas de handicap avéré ou en cours de reconnaissance par la MDPH, et dans ce dernier cas le principe de précaution devrait s’appliquer.
Pour aller plus loin :