Mardi, le Comité des Droits économiques, sociaux et culturels a interrogé la France sur le non-respect du Pacte de l’ONU concernant la liberté des parents de choisir une alternative à l’école : dans sa réponse, le gouvernement français se trompe de chiffre sur les refus. Vidéo et explications.

Le 28 août dernier, nous avons adressé une communication au Comité des Droits économiques, sociaux et culturels, avec d’autres associations, pour défendre le droit humain inaliénable des parents à choisir l’alternative de l’instruction en famille en France, ultra-réduite par la nouvelle loi dite contre le séparatisme.

Le 29 octobre, le Secrétaire général de notre association a pu délivrer un discours pour éclairer cette communication et nos recommandations.

Le 3 octobre au matin, la délégation représentant la France à l’ONU a donc été interrogée par le Comité sur cette question du respect du droit humain inaliénable des parents d’instruire en famille : voici la réponse, dans laquelle le responsable éducation ne donne pas le bon chiffre, alors qu’une grande opacité règne sur ces refus, le ministère refusant toujours de communiquer les refus par académie, motif par motif, malgré près de 50 questions écrites des parlementaires au ministre en un an et la menace d’une commission d’enquête par la Commission des affaires culturelles et de l’éducation de l’Assemblée nationale, sans compter des refus pour harcèlement ou pour handicap.

Notre commentaire à propos des refus

M. Christophe Géhin, Chef du service du budget et des politiques éducatives DGESCO, au sein du ministère de l’Education nationale, répond au comité de l’ONU en donnant le chiffre de 90% d’acceptations. Le chiffre officiel est pourtant de 72% en première demande et 81% après recours préalables. En effet, le chiffre de 90% inclut les plein droits sans besoin d’autorisation jusqu’en 2023-2024.

On ne peut donc intégrer dans le chiffre des refus les bénéficiaires du plein droit jusqu’en 2024, qui n’ont pas d’autorisation à demander, et qui représentent 72% des demandes pour l’année scolaire 2022-2023. On tombe à 62,4% d’acceptation pour le seul motif pédagogique qui est le plus couramment invoqué par les familles.

D’autre part, toujours selon les propres chiffres officiels du ministère (tableau ci-dessous), il y a eu 16904 réelles demandes d’autorisation en 2022-2023, qui ont engendré 4605 refus avant recours administratifs (dont 47 refus pour enfants « à problème »). Soit en première instance, 27,24 % de refus et 72,76 % d’acceptations en moyenne sur tout le territoire national. Avec les recours administratifs préalables, il y a eu 1407 acceptations de plus (50% d’échec aux recours), soit au total 3198 refus, donc 18,9 % de refus, ce qui représente 81% d’autorisations en moyenne sur tout le territoire national.

De plus, très peu des 400 recours devant les tribunaux administratifs ont obtenu gain de cause et les contentieux gagnés démontrent aussi un non-respect des réserves constitutionnelles toujours éludées par les tribunaux administratifs, dont beaucoup persistent dans une interprétation extraordinairement restrictive de la loi. Enfin, les familles et les enfants pâtissent, en cas de refus d’autorisation et l’échec d’un recours au tribunal qui n’est pas suspensif, de l’absence de jugement de la Cour européenne des droits de l’Homme, faute d’épuisement des voies de recours interne à notre pays, comme évoqué dans notre discours à l’ONU. Il y a eu également de nombreuses saisines du Conseil d’Etat, qui a renvoyé à l’autorité administrative le soin de décider ce qui est bon pour l’enfant, plutôt que les parents, alors que le 1er avis de cette juridiction était de laisser cette liberté aux parents (lire aussi : Rapport Bergeal : sommes-nous devant un déni de démocratie ?).

Par ailleurs, certaines académies ont délivré jusqu’à 90% de refus, avec de très fortes disparités territoriales.

Pour aller plus loin :

Notre commentaire sur le reste de la réponse de la France

Devant l’ONU, le gouvernement a voulu justifier la loi séparatisme par un souci d’égalité des chances. L’invoquer pour avoir restreint cette liberté fondamentale ne manque pas de sel, quand on sait que l’instruction en famille y participe activement, non seulement pour les enfants avec difficultés d’apprentissage avec les pédagogies alternatives, mais aussi en raison des ressources financières des parents qui sont bien moins importantes pour l’instruction en famille que pour l’école privée ou hors contrat, comme nous l’avons également souligné dans notre discours à l’ONU.

Enfin, parler de scolarisation devenue obligatoire, comme le fait M. Géhin, ne peut manquer de nous faire rappeler que Jules Ferry avait sanctuarisé ce droit inaliénable des parents de faire l’école à domicile dans sa loi de 1882, il y a plus de 140 ans, lui-même y étant favorable, ainsi que son successeur Ferdinand Buisson.

Pour aller plus loin :

 

 

Voir aussi :

Refus d’instruction en famille : le palmarès des pires académies

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