Lors des premiers débats en commission spéciale ou au moment de la présentation du projet de loi principes républicains à l’Assemblée, dans la presse ou sur leur site internet, de nombreux députés ont défendu l’instruction en famille. A quelques heures des premiers votes sur l’article 21, voici quelques extraits de leurs interventions, classées par thèmes.

1. « Vous vous trompez de cible ! »

Julien Ravier, groupe Les républicains :

« À aucun moment, vous n’êtes capable de faire le lien entre l’instruction en famille et la radicalisation ou le séparatisme : nous sommes en train de légiférer sur un faux problème. Les éléments de preuve aujourd’hui sont insuffisants pour pouvoir clairement s’attaquer à une liberté d’instruction qui a valeur constitutionnelle dans notre pays. Vous vous y attaquez injustement. »

Anne-Laure Blin, groupe Les républicains :

« Vous vous trompez de cible. »

Agnès Thill, groupe UDI et indépendants :

« On se trompe de cible en s’attaquant à l’instruction en famille : on s’attaque à ceux qui se déclarent, qui sont contrôlables, bienveillants et protecteurs pour leurs enfants. »

« L’État veut lutter contre l’enfant enfermé chez lui ? L’État a raison. Mais ce n’est pas chez les familles déclarées et contrôlées qu’il trouvera ces enfants refermés sur eux. »

Charles de Courson, groupe Les centristes :

« Quand on lit votre étude d’impact, vous établissez un faux diagnostic. »

Thibault Bazin, groupe Les Républicains (écouter aussi son intervention lors de notre table ronde) :

« Est-ce que le texte répond à l’objectif affiché de lutte contre le séparatisme ? Non ! Est-ce que cet article 21 va éviter des situations d’enfants qui sont aujourd’hui hors radars et qui sont menacés de radicalisation ? Non, ça ne change rien. […] On ne répond pas aux défis posés par l’actualité et on crée des impasses là où il n’y en avait pas. »

2. L’instruction en famille est une liberté fondamentale

Anne-Laure Blin, groupe Les républicains (lire aussi sa tribune dans le JDD) :

« L’instruction en famille est une liberté constitutionnelle. »

Agnès Thill, groupe UDI et indépendants :

« Nous ne sommes donc plus dans un régime de droits, mais d’interdiction […] Cela ouvre la voie à de possibles restrictions futures par décret dont pourrait se saisir un chef de l’État qui aurait des velléités totalitaires de contrôle de la jeunesse. »

« Nos libertés s’étiolent, sans que nous en ayons conscience, sans que cela nous interpelle vraiment. Ce projet de loi oblige les familles à se dessaisir de leur responsabilité parentale, et ce, dès l’âge de trois ans de leur enfant […]. L’État deviendrait ainsi le seul éducateur possible. »

« C’est un droit constitutionnel pour les parents. »

Xavier Breton, groupe Les républicains :

« C’est quand même différent d’exercer une liberté sans lever le doigt et demander l’autorisation à l’État d’exercer cette liberté que de faire un régime où je lève le doigt et je demande à l’État s’il me donne l’autorisation d’exercer cette liberté. »

Grégory Labille, groupe UDI et indépendants (voir aussi son audition des enseignants ayant choisi l’instruction en famille) :

« En France comme dans de nombreux pays, c’est bien l’instruction qui est obligatoire, et non l’école. L’IEF est une des modalités de la liberté d’enseignement, reconnue comme principe à valeur constitutionnelle. »

« La liberté doit rester la règle et la restriction l’exception. Les parents doivent pouvoir décider librement du type d’instruction pour leurs enfants et l’État se restreindre à un contrôle a posteriori. Les outils législatifs existent déjà pour permettre à l’État de lutter contre ceux qui détournent la liberté. »

Charles de Courson, groupe Les centristes :

« Expliquer que ce qu’on fait, beaucoup de pays de l’Union européenne l’ont fait… Il n’y en a pas 36 000, il y en a sept ! Et connaissez-vous le cas allemand ? C’est le régime nazi, en 1938, qui a supprimé l’instruction en famille, succédant à cette idée que l’État nazi devait éduquer tous les enfants. »

« Comment peut-on interdire à des familles de recourir à l’IEF pour des motifs politiques, philosophiques ou religieux ? C’est inacceptable dans un pays de liberté, inacceptable ! »

« Le Conseil d’État s’est prononcé, dans sa décision du 19 juillet 2017 : « Le principe de la liberté de l’enseignement, qui figure au nombre des principes fondamentaux reconnus par les lois de la République, implique la possibilité de créer des établissements d’enseignement y compris hors de tout contrat conclu avec l’État, tout comme le droit pour les parents de choisir pour leurs enfants des méthodes éducatives alternatives à celles proposées par le système scolaire publique, y compris l’instruction au sein de la famille. » »

Marine Le Pen, groupe Rassemblement national :

« Nos libertés constitutionnelles sont en très grave danger. […] Jusqu’à quand on va continuer à rogner nos grandes libertés constitutionnelles au motif qu’il y a une minorité qui refuse de se soumettre justement à cette constitution et à la loi ? »

« Attachons-nous à préserver pour l’ensemble des Français un droit fondamental qui est celui des familles de choisir leur instruction sous tous les contrôles nécessaires, car on est tous d’accord pour dire que nous devons contrôler, que nous ne devons pas laisser un certain nombre profiter éventuellement d’un trou de souris pour venir développer le séparatisme. »

Julien Ravier, groupe Les Républicains :

« Vous souhaitez conforter les principes républicains […] en limitant, en encadrant, en restreignant nos libertés et nos droits. »

« Vous voulez passer d’un régime de déclaration dans lequel la liberté est bien la règle, à un régime d’exception, à un régime d’autorisation avec quatre motifs. Dans ces quatre motifs, il en manque un qui est fondamental : c’est la conviction pédagogique des parents et la conviction religieuse. Ce n’est pas parce que nous avons un problème de séparatisme islamiste dans notre pays […] que nous devons empêcher d’autres familles qui pratiquement très correctement l’instruction en famille, de le faire, pour des raisons religieuses ou des raisons de conviction pédagogique. »

Jean-Christophe Lagarde, groupe UDI et indépendants :

« Les lois Ferry voulaient que ce soit un droit de bénéficier de l’école et un devoir de pourvoir à l’instruction des enfants. Vous, vous voulez désormais que ce soit un devoir d’aller à l’école. »

Emmanuelle Ménard (députés non inscrits)

« L’exercice d’une liberté fondamentale ne peut souffrir aucun régime d’autorisation préalable : dans un État de droit, la liberté doit rester la règle et la restriction l’exception. »

« En France, c’est bien l’instruction qui est obligatoire et non pas l’école. Les parents ont ainsi la possibilité de choisir soit de déléguer cette instruction de leur enfant à un établissement scolaire, soit de l’instruire en famille. »

Thibault Bazin, groupe Les Républicains (écouter aussi son intervention lors de notre table ronde) :

« On est en train de toucher à des libertés fondamentales. […Nous devons] modifier la loi avec une main tremblante et peut-être prendre davantage de recul. »

3. Les familles sont les premiers éducateurs de leurs enfants

Anne-Laure Blin, groupe Les républicains :

« Les familles doivent avoir un rôle bien plus important que ce que vous souhaitez leur accorder. Les familles sont en premier lieu les éducateurs des enfants. Il faut que vous leur laissiez la liberté de choisir les modes d’instruction […]. Il ne faut pas que vous sacrifiiez les familles qui respectent l’ensemble des conditions de l’instruction en famille, au détriment de celles qui ne les respectent pas. »

Agnès Thill, groupe UDI et indépendants :

« Notre gouvernement doit cesser de considérer les parents comme toujours ou systématiquement mauvais ou malveillants. Que veut une famille qui instruit elle-même son enfant ? Le valoriser, laisser grandir sa curiosité naturelle, respecter son rythme unique, vivre avec lui, ensemble, et partager, vivre une diversité et une complémentarité entre personnes d’âges différents. »

Xavier Breton, groupe Les républicains :

« Quand vous indiquez qu’il faut préserver l’enfant de pressions qui l’empêchent de développer sa liberté et qu’il doit sortir de sa famille, quelle image vous avez des familles ! Vous croyez que les familles, c’est elles qui privent de liberté leurs enfants ? Quand vous dites « il faut que cet enfant connaisse la société », quelle image vous avez des familles ? Les familles font vivre leur enfant dans la société […]. C’est vraiment une conception de la famille qui choque beaucoup de familles, que d’entendre parler que l’émancipation c’est arracher l’enfant au déterminisme y compris familial. […] C’est la République qui définirait, toute seule, l’intérêt supérieur de l’enfant ? C’est une vieille demande communiste que d’avoir une obligation non pas d’instruction, mais de scolarisation. »

« La liberté d’instruction passe par les parents qui sont les premiers éducateurs de leurs enfants. Cette tâche est déléguée à l’école. On n’est pas dans une logique de co-éducation, comme on l’entend trop souvent, voulant mettre au même niveau, dans les mêmes fonctions, les parents et l’État. Ce sont des rôles complémentaires. »

Charles de Courson, groupe Les centristes :

« Attention au concept d’intérêt supérieur de l’enfant. La vraie question, c’est qui définit l’intérêt supérieur de l’enfant ? Nous, on pense que c’est la famille ! Et quand la famille est défaillante, l’État doit se substituer. Voilà notre conception de la société, et non pas l’inverse. »

Jean-Christophe Lagarde, groupe UDI et indépendants :

« [Vous avez] une approche totalement idéologique du sujet […] Derrière vos propos, il y a l’idée que seul l’État saurait ce qui est bon pour l’enfant et saurait ce qu’il doit devenir. Je pense que l’État donne des droits à l’enfant, mais ne sait pas ce qui est bon pour lui en toutes circonstances face aux parents. »

4. La loi prévoit déjà le contrôle de l’instruction en famille. Le vrai problème, c’est le manque de moyens

Cédric Villani, groupe Écologie démocratie solidarité :

« Ce dispositif strictement encadré, existant depuis 140 ans, participe à la liberté d’enseignement, principe à valeur constitutionnelle. »

Agnès Thill, groupe UDI et indépendants :

« L’instruction en famille n’est pas un séparatisme, c’est un choix contrôlé et encadré par la loi. »

Grégory Labille, groupe UDI et indépendants :

« Instruire ses enfants en famille c’est un choix exigeant, qui restera minoritaire et qui est encore très mal connu. L’instruction en famille est une modalité d’enseignement qui est très encadrée… ».

Charles de Courson, groupe Les Centristes :

« Vous nous dites que la forte croissance de l’instruction en famille « rend enfin les conditions de contrôle de plus en plus complexes, compte tenu des moyens disponibles et de l’expertise nécessaire. » Le vrai problème, c’est l’insuffisance des moyens que met l’Éducation nationale pour contrôler, dans le cas des lois existantes, le niveau de l’instruction pour les enfants dont les familles ont fait le choix de l’instruction en famille. »

« Vous pourriez consacrer une partie des économies liées au fait que ce sont les familles qui paient tout ça, elles ne demandent rien à l’État, vous ne pouvez pas consacrer une partie de ces économies au renforcement du contrôle, de façon à ce que les quelques % de familles qui dérivent puissent être sanctionnés et qu’on applique la loi. »

Julien Ravier, groupe Les Républicains :

« [Les] contrôles, quand ils sont correctement faits sur le territoire, produisent des effets et empêchent justement de contrevenir à l’intérêt de l’enfant, puisque c’est […] l’argument que vous nous envoyez. »

Jean-Christophe Lagarde, groupe UDI et indépendants :

« Vous décidez d’autoriser ou pas une liberté. Nous préférons un dispositif qui permet de contrôler. Le contrôle, c’est la capacité d’intervenir quand il y a défaillance.  »

Emmanuelle Ménard (députés non inscrits) :

« L’instruction en famille est une modalité d’enseignement très encadrée […], très exigeante : 98 % des enfants instruits à la maison sont dans une situation jugée conforme au droit à l’instruction de l’enfant. Alors, attaquez-vous aux 2 % restants et fichez la paix à ces familles. Attaquez-vous à ceux qui sont les ennemis de la France et de ses enfants. »

Anne-France Brunet, Députée LREM de Loire-Atlantique :

« Malgré nos nombreuses demandes auprès du gouvernement, nous n’avons toujours aucune donnée permettant d’établir un lien entre l’instruction à domicile et le séparatisme. En réalité, ce lien n’existe pas. Restreindre l’instruction en famille est un choix idéologique, arrêtons de le présenter comme un outil pour lutter contre l’islamisme radical, cela n’a pas de sens. »

5. L’instruction en famille est justifiée

Cédric Villani, groupe Écologie démocratie solidarité :

« Limiter l’instruction en famille aux seuls impératifs de santé serait une erreur. Il existe une palette de cas qui justifie cette solution : des élèves victimes de discriminations à l’école, de harcèlements, de phobies scolaires ; des hauts potentiels… »

Agnès Thill, groupe UDI et indépendants :

« Une famille sur trois en IEF a au moins un de ses deux parents enseignants, l’État pourrait aussi se demander pourquoi. »

Anne-Laure Blin, groupe Les Républicains :

« Vous nous faites part de l’augmentation des chiffres de l’instruction en famille. Mais […] la différence notable [est due à] la scolarisation [ndlr : l’instruction] obligatoire à trois ans. »

Emmanuelle Ménard (députés non inscrits) :

« La première raison pour les familles d’instruire leur enfant elles-mêmes, c’est de suivre les motivations et les rythmes d’apprentissage des enfants. Ces familles s’inquiètent évidemment beaucoup que cette raison soit bien comprise dans le point 4 des dérogations énumérées. »

Yves Daniel, groupe La République en marche (voir aussi son intervention lors de notre table ronde) :

« Je défends le libre choix pour les familles, parce que l’école n’est pas forcément adaptée aux contraintes de la société d’aujourd’hui et aux besoins éducatifs et de formation. »

Thibault Bazin, groupe Les Républicains :

« L’instruction en famille peut être vue comme une solution et non un problème, comme une voie et non un risque, une voie d’épanouissement pour l’enfant. »

6. Les enfants qui ont suivi l’instruction en famille ont de bons résultats

Agnès Thill, groupe UDI et indépendants :

« Luc Ferry a suivi une partie de son parcours à domicile, Pierre Curie entièrement, Jean d’Ormesson… beaucoup de prix Nobel de tous domaines sont issus de l’IEF. »

Jean-Christophe Lagarde, groupe UDI et indépendants :

« On se demande ce que sont devenues, quand on vous écoute, les générations d’enfants qui ont reçu l’instruction en famille : des attardés, des reclus de la société, des inaptes à la vie sociale, des enfants sauvages comme vous l’avez dit ? Je ne le crois pas. Il n’y a pas qu’une seule façon d’éviter que des gens arrachent leurs enfants à leur avenir, à la société. »

Agnès Thill, groupe UDI et indépendants :

« Le niveau des enfants en IEF est excellent avec 93 % de succès au premier contrôle, les parents s’en sortent donc très bien, grâce à leur engagement, leur volonté de trouver les solutions au quotidien. »

Charles de Courson, groupe Les centristes :

« On nous dit que 10 % des enfants contrôlés présentent des lacunes majeures. Mais, monsieur le ministre, quelle est la proportion dans les autres formes d’enseignement ? »

7. Le régime déclaratif est plus adapté

Gaël Le Bohec, groupe La République en marche :

« Je préfèrerais une déclaration exigeante à une autorisation indigente [ndlr : sur le modèle du dossier de déclaration d’ouverture des établissements hors contrat]. »

Jean-Paul Mattei, groupe Modem :

« Un régime de déclaration valant autorisation est du bon sens. Vous allez embouteiller les services ! Ce couperet d’autorisation préalable est particulièrement néfaste. »

Pour aller plus loin :

A voir aussi : la vidéo qui vous dit tout sur l’IEF

 

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