Vous pouvez télécharger ici la contribution extérieure portée par la Fondation pour l’école, notre association Liberté éducation et le collectif L’Ecole est la maison afin de défendre la liberté fondamentale de l’instruction en famille.

Pour aller plus loin :

La décision du Conseil constitutionnel au 13 août 2021 :

Décision n° 2021-823 DC du 13 août 2021

(…)

. En ce qui concerne certaines dispositions de l’article 49 (ex article 21, ndlr) :

66. L’article 49 de la loi modifie notamment l’article L. 131-5 du code de l’éducation qui détermine les conditions dans lesquelles l’instruction obligatoire peut être dispensée en famille.

67. Les députés auteurs de la première saisine et les sénateurs requérants soutiennent que ces dispositions méconnaîtraient le principe fondamental reconnu par les lois de la République de liberté de l’enseignement, dont l’instruction en famille serait une composante depuis sa reconnaissance par la loi du 28 mars 1882. Au soutien de ce grief, ils reprochent tout d’abord à ces dispositions de soumettre désormais la possibilité d’instruction en famille à un régime d’autorisation préalable en lieu et place d’un régime de simple déclaration. Ils font valoir ensuite que ces dispositions ne seraient pas nécessaires dès lors que l’objectif poursuivi est imprécis et qu’il est toujours possible à l’autorité administrative d’opérer des contrôles a posteriori de l’instruction en famille. Ils estiment enfin que ces dispositions ne prévoiraient pas que la demande d’autorisation d’instruction en famille puisse être motivée par des convictions politiques, religieuses ou philosophiques. Les sénateurs soutiennent en outre qu’il résulterait de ce dernier motif une méconnaissance de la liberté d’opinion et de la liberté de conscience.

68. Les députés auteurs de la première saisine et les sénateurs soutiennent également que ces dispositions laisseraient un pouvoir d’appréciation trop important à l’autorité administrative pour octroyer ou refuser l’autorisation d’instruction en famille. Il en résulterait, selon eux, une incompétence négative et une méconnaissance de l’objectif de valeur constitutionnelle d’intelligibilité et d’accessibilité de la loi.

69. Enfin, les sénateurs soutiennent que ces dispositions méconnaîtraient le droit au respect de la vie privée en obligeant les parents à révéler à l’administration des éléments personnels au soutien de leur demande d’autorisation d’instruction en famille.

70. L’article L. 131-1 du code de l’éducation prévoit que l’instruction est obligatoire pour chaque enfant dès l’âge de trois ans et jusqu’à l’âge de seize ans. L’article L. 131-2 du même code dispose que cette instruction est donnée dans les établissements ou écoles publics ou privés.

71. Les dispositions contestées prévoient que cette instruction peut également, par dérogation, être dispensée en famille par les parents ou par toute personne de leur choix sur autorisation délivrée par l’autorité de l’État compétente en matière d’éducation. Elles prévoient que, sans que puissent être invoquées d’autres raisons que l’intérêt supérieur de l’enfant, cette autorisation est accordée soit en raison de l’état de santé de l’enfant ou de son handicap, soit en raison de la pratique d’activités sportives ou artistiques intensives, soit en raison de l’itinérance de la famille en France ou de l’éloignement géographique de tout établissement scolaire public. Elles prévoient également que cette autorisation est accordée en raison de l’existence d’une situation propre à l’enfant motivant le projet éducatif.

72. En premier lieu, en prévoyant que « L’instruction primaire est obligatoire … elle peut être donnée soit dans les établissements d’instruction primaire ou secondaire, soit dans les écoles publiques ou libres, soit dans les familles, par le père de famille lui-même ou par toute personne qu’il aura choisie », l’article 4 de la loi du 28 mars 1882 mentionnée ci-dessus n’a fait de l’instruction en famille qu’une modalité de mise en œuvre de l’instruction obligatoire. Il n’a ainsi pas fait de l’instruction en famille une composante du principe fondamental reconnu par les lois de la République de la liberté de l’enseignement.

73. Dès lors, le grief tiré de la méconnaissance de la liberté d’enseignement ne peut qu’être écarté.

74. En deuxième lieu, selon l’article 34 de la Constitution, la loi détermine les principes fondamentaux de l’enseignement. Il incombe au législateur d’exercer pleinement la compétence que lui confie la Constitution et, en particulier, son article 34.

75. Les dispositions contestées prévoient que l’autorisation d’instruction en famille est accordée en raison de « l’existence d’une situation propre à l’enfant motivant le projet éducatif, sous réserve que les personnes qui en sont responsables justifient de la capacité de la ou des personnes chargées d’instruire l’enfant » et qu’un décret en Conseil d’État précise les modalités de délivrance de l’autorisation.

76. D’une part, en subordonnant l’autorisation à la vérification de la « capacité … d’instruire » de la personne en charge de l’enfant, les dispositions contestées ont entendu imposer à l’autorité administrative de s’assurer que cette personne est en mesure de permettre à l’enfant d’acquérir le socle commun de connaissances, de compétences et de culture défini à l’article L. 122-1-1 du code de l’éducation au regard des objectifs de connaissances et de compétences attendues à la fin de chaque cycle d’enseignement de la scolarité obligatoire. D’autre part, en prévoyant que cette autorisation est accordée en raison de « l’existence d’une situation propre à l’enfant motivant le projet éducatif », le législateur a entendu que l’autorité administrative s’assure que le projet d’instruction en famille comporte les éléments essentiels de l’enseignement et de la pédagogie adaptés aux capacités et au rythme d’apprentissage de l’enfant. Enfin, il appartiendra, sous le contrôle du juge, au pouvoir réglementaire de déterminer les modalités de délivrance de l’autorisation d’instruction en famille conformément à ces critères et aux autorités administratives compétentes de fonder leur décision sur ces seuls critères excluant toute discrimination de quelque nature que ce soit.

77. Dès lors, sous la réserve mentionnée au paragraphe précédent, les dispositions contestées ne sont pas entachées d’incompétence négative et ne méconnaissent pas l’objectif de valeur constitutionnelle d’accessibilité et d’intelligibilité de la loi.

78. En dernier lieu, si les dispositions contestées prévoient que l’autorisation d’instruction en famille est accordée sans que puissent être invoquées d’autres raisons que l’intérêt supérieur de l’enfant, elles n’ont ni pour objet ni pour effet de porter atteinte à la liberté de conscience ou d’opinion des personnes qui présentent un projet d’instruction en famille.

79. Il résulte de ce qui précède que, sous la réserve mentionnée au paragraphe 76, les mots « à condition d’y avoir été autorisées par l’autorité de l’État compétente en matière d’éducation » figurant au premier alinéa et le huitième alinéa de l’article L. 131-5 du code de l’éducation, qui ne méconnaissent pas non plus le droit au respect de la vie privée ni aucune autre exigence constitutionnelle, sont conformes à la Constitution.

 

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