Aujourd’hui en Conseil des ministres, le gouvernement a présenté le projet de loi visant à interdire l’école à la maison à l’exception de quelques « situations particulières » qui seront laissées à l’appréciation de l’autorité académique.

Toute la journée, on a pourtant eu droit à un festival de titres de presse laissant croire un assouplissement du gouvernement sur le sujet ! Quelques exemples :

  • « Ecole à la maison : le gouvernement revoie sa copie et pose des conditions » (Europe 1)

Notre commentaire : Quelles conditions pour une liberté fondamentale ? Vous avez 1 heure.

  • « Le gouvernement recule sur l’interdiction de l’école à la maison » (Orange, Médiaservice, AFP)

Notre commentaire : Non, il avance… vite !

  • « Castex confirme l’assouplissement de l’interdiction de l’école à la maison » (L’Obs)

Notre commentaire : en chapeau de l’article : « Très critiquée, la mesure visant à rendre l’école obligatoire dès l’âge de trois ans sauf motifs de santé devrait finalement comporter de nombreuses exceptions. » Mais quelles exceptions ? Qui aura le dernier mot ?

Pour les observateurs, une pseudo-ouverture du gouvernement

Pour les observateurs qui connaissent bien le sujet, cette pseudo-ouverture avec des exceptions cache en fait la volonté pour le gouvernement de protéger la constitutionnalité du projet de loi, mis à mal dans un premier temps par un avis défavorable du Conseil d’Etat, avant un revirement spectaculaire dans la nuit de jeudi 3 décembre au vendredi 4 décembre, suite à un intense lobbying des Marcheurs. Ainsi, l’avis du Conseil d’Etat est devenu une fausse victoire pour les partisans de l’école à la maison : les deux derniers paragraphes ont été copieusement caviardés en fin de document (*), semble-t-il à la va-vite. Devenus incohérents avec le reste de l’avis, ils rendent le texte de loi similaire à sa première version, alors jugé disproportionné par le Conseil d’Etat par rapport aux buts poursuivis. Pour rappel, la première version de l’avis du Conseil fustigeait, en forme de camouflet pour le gouvernement : « Il n’est pas établi, en particulier, que les motifs des parents relèveraient de manière significative d’une volonté de séparatisme social ou d’une contestation des valeurs de la République. Dans ces conditions, le passage d’un régime de liberté encadrée et contrôlée à un régime d’interdiction ne paraît pas suffisamment justifié et proportionné ».

Notons aussi que Mediapart s’est distingué en titrant : « Ecole à la maison: les familles devront obtenir une autorisation préalable », précisant : « Pour éviter l’inconstitutionnalité, quelques dérogations restent possibles ». De fait, le compte-rendu du Conseil des ministres précise avec une seule petite phrase que ce projet de loi « vise d’abord à garantir le respect des lois et principes de la République dans tous les domaines exposés à des risques d’emprise séparatiste : (…) en matière d’éducation, en soumettant à autorisation l’instruction en famille et en précisant de manière limitative les motifs qui peuvent la justifier. »

Autoriser une liberté fondamentale ? Où va-t-on ?

  • Car tout le problème est bien là : nous passerions d’une liberté fondamentale, actuellement avec régime déclaratif (« je fais le choix de faire l’école à la maison à mes enfants, c’est mon droit le plus strict, j’accepte bien sûr les inspections mais je n’ai pas à me justifier ») à un régime d’autorisation (« je vous demande l’autorisation de faire l’école à la maison ») ce qui serait une gravissime atteinte à cette liberté fondamentale des parents, pourtant garantie par la déclaration des Droits de l’homme et du citoyen de 1948 (article 26). Quant aux conditions d’obtention de cette autorisation, rien n’est précisé, à part devoir faire la preuve, pour les parents, d’une « situation particulière de l’enfant », dixit le projet de loi, ce qui est très flou et représente donc non seulement un risque élevé d’arbitraire suivant les académies et les régions, mais aussi un fort risque de contentieux administratifs.

Liberté de faire l’école à la maison, liberté de la presse, même combat

Une liberté fondamentale soumise à l’autorisation préalable d’une autorité administrative n’est plus une liberté. En 1881, la consécration de la liberté de la presse impliquait de passer d’un régime d’autorisation à un régime de déclaration.

Si le droit de faire l’instruction à domicile ne peut être maintenu que lorsqu’il est lié à l’enfant et qu’il est supprimé lorsqu’il viendrait de la seule initiative des parents,  c’est la liberté éducative des parents qui se trouverait ainsi totalement niée.

Ainsi, si ce projet de loi se concrétise en l’état, le risque est donc bel et bien de passer d’une culture de liberté à une culture d’autorisation préalable. Liberté éducation déplore donc un journée noire pour la liberté d’éducation en France, et la liberté tout court. Faudra-t-il aussi un jour demander l’autorisation, comme en Chine, d’avoir des enfants ?

 

Source : Avis du Conseil d’Etat sur l’instruction en famille (IEF)

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