Le gouvernement, dans son ensemble, n’avance aucun chiffre qui pourrait lier instruction en famille et radicalisme.

Une étude des chercheurs Philippe Bongrand et Dominique Glassman montre comment le discours officiel sur les enfants qui bénéficient de l’école à la maison s’est durci depuis 1999 avec le soupçon de radicalisme : « ces profils de familles existent, comme nos enquêtes en cours auprès de parents ou d’agents chargés de leur contrôle permettent de le documenter. Mais les connaissances actuelles ne permettent en rien d’affirmer qu’elles seraient prépondérantes parmi les familles qui instruisent hors établissement ».

Les chercheurs français experts en radicalisation affirment tous ne pas avoir de chiffres

Les chercheurs des plus grands instituts de recherche français nous ont tous affirmé qu’ils n’avaient pas de chiffres sur le sujet : Institut des Hautes Etudes de la Défense Nationale (IHEDN), Institut des Hautes Etudes du Ministère de l’Intérieur (IHEMI), Institut français des relations internationales (IFRI), Ecole des Hautes Etudes en Sciences Sociales (EHESS), CNRS, chaire Unesco de prévention de la radicalisation et de l’extrémisme violent, etc. ; le conseiller spécial de Jean-Michel Blanquer, Richard Senghor, que nous avons eu au téléphone en juin 2021, reconnaît lui aussi une absence de chiffres (1).

L’amalgame des autorités

Le 6 octobre 2020, le ministre de l’Intérieur Gérard Darmanin diffusait une note aux parlementaires dans laquelle il donnait, comme raison de l’interdire, l’exemple d’une école clandestine salafiste. Le 18 novembre, sur Europe 1, à la question « avez-vous un chiffre, un lien documenté, qui fait le lien entre les enfants qui sont instruits en famille, la radicalisation, le séparatisme ? quel est le rapport ? » le il bottait encore en touche : « c’est un point très important, si nous n’étions pas en état de guerre contre le terrorisme, nous l’embêterions pas les gens avec leurs habitudes : nous devons condamner ces dérives sectaires, islamistes. » Pourtant, sur Radio Classique, dès le 6 octobre, le ministre s’était défendu autrement : « Ce n’est pas le seul objet du texte qui s’adresse à tous les cultes, contre tous les mouvements sectaires, impose la neutralité politique et religieuse ». En réalité, les différentes enquêtes de la Miviludes sur les dérives sectaires, de 2003 à 2009, n’ont jamais établi aucun lien entre école à la maison et emprise sectaire : si certaines familles radicalisées déscolarisent leurs enfants, ce n’est pas pour autant qu’elles font l’instruction en famille.

Par ailleurs est souvent avancé que « la moitié des élèves inscrits dans ces écoles clandestines font l’école à la maison ». Cela provient du fait que lorsque M. Darmanin était maire de Tourcoing, deux écoles islamistes furent démantelées, l’une comptait trente élèves dont la moitié étaient inscrits en instruction en famille, ce qui représente 15 enfants. Légiférer au niveau national pour 15 enfants à l’échelle locale est pour le moins surprenant. De plus, les écoles clandestines ou « de fait » et les fausses déclarations d’instruction en famille ne relèvent pas du code de l’éducation, mais de la prévention de la délinquence, comme nous le confirme un responsable au sein du ministre de la justice. Précisions aussi que selon la loi, l’instruction en famille ne peut être organisée que pour les enfants d’une même famille. Les responsables de ces écoles clandestines, comme les représentants légaux de ces enfants, se rendent coupables d’un délit.

L’étude d’impact du gouvernement n’en pas dit plus.

L’étude d’impact donnée aux parlementaires n’en dit pas plus, mais le 15 janvier, la cheffe du Service central du renseignement territorial (SCRT) de la direction générale de la police nationale a déclaré en Commission spéciale : « Il est extrêmement compliqué, pour moi, de faire un lien direct entre l’augmentation du repli communautaire et l’augmentation de l’instruction à domicile ».


(1) Source : Jean-Baptiste et Marie Maillard, L’école à la maison, une liberté fondamentale, Artège, 1er septembre 2021.

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